jeudi 21 août 2014

FEDERICO GARCÍA LORCA, LA LOI DE L’OUBLI

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PHOTO GUSTAVO CUEVAS

Un mois avant sa mort, alors que ses amis le pressent de fuir la guerre civile naissante, Federico García Lorca regagne Grenade. Il sera fusillé le 19 août 1936. Victime de la traque menée contre les communistes et les homosexuels? Règlement de comptes clanique? Le mystère persiste près de 80 ans après son assassinat

par Yelmarc Roulet

29 octobre 2009. 
On donne les premiers coups de pioche au lieu-dit Fuente Grande, la grande source. Un flanc de colline au pied de la Sierra, à environ 9 km de Grenade. C’est là, sous un olivier, qu’auraient été enterrés, après leur assassinat par un escadron de la mort, Federico García Lorca et ses compagnons de malheur.

vendredi 1 août 2014

LE SUD DE L'OCÉAN



De sel consumé et de gorge en péril
sont faites les roses de l'océan solitaire.
L'eau pourtant brisée,
les oiseaux redoutables
et rien que la nuit accompagnée
du jour et le jour accompagné
d'un refuge, du pied fourchu d'une bête,
du silence.

Dans le silence grandit le vent
à la feuille unique, à la fleur battue,
et le sable qui n'est que toucher et silence.
Ce n'est rien, c'est une ombre,
le pas d'un cheval errant,
ce n'est rien qu'une vague retombée sur le temps
car les eaux vont toutes vers les yeux froids
du temps au regard levé du fond de l'océan.

Ses yeux sont morts d'eau morte et de colombes,
cavernes d'ambre latitude
ouvertes aux poissons à dents ensanglantées
et aux baleines en quête d'émeraudes
et les squelettes de pâles chevaliers
rongés par les lentes méduses et encore
les constellations de myrthe vénéneux,
les mains solitaires, les flèches,
les revolvers d'écaillé
glissent interminablement à travers ses joues
dévorant ses prunelles de sel déchu.

Lorsque la lune restitue ses naufrages,
ses tiroirs, ses morts
couverts de pavots cruels,
lorsque tombent dans le sac de la lune
les vêtements ensevelis en mer
et leurs longues angoisses et leurs barbes renversées,
leurs têtes requises a jamais par l'orgueil et par l'eau,
alors on entend au large sombrer les genoux
que la lune entraîne vers le fond de la mer
en son sac de pierre ravagé par les larmes
et par les morsures des atroces poissons.


En vérité c'est la lune qui descend
par rêches secousses d'épongés et pourtant
la lune trébuche entre les tanières,
la lune criblée par les cris de l'eau,
les ventres de la lune, ses écailles
d'acier éclaté et dès lors
elle descend vers le puits de l'océan,
azur de l'azur transpercé par l'azur,
aveugles azurs de matière aveugle,
rejetant sa cargaison pourrie
de scaphandriers, de bois, de doigts,
la lune pêcheuse du sang que les durs destins
répandirent sur les cimes de la mer.

Mais je parle d'un rivage que fouette
la mer furieuse et des murs de cendre
battus par les flots. Qu'est-ce donc ? Est-ce une ombre?
Ombre non, mais sable d'un triste pays,
système d'algues, vol d'ailes,
piqûre d'un bec au sein du ciel.
Oh surface blessée par la mer,
oh source de la mer,
si la pluie garde tes secrets, si le vent infini
tue les oiseaux, si seulement le ciel,
seul je veux mordre les côtes et mourir,
seul je veux contempler la bouche des pierres
d'où sortent les secrets emplis d'écume.

C'est un pays de solitude, j'ai parlé
de ce pays de grande solitude,
où la terre est pleine d'océan,
où il n'y a personne
hormis les rares traces d'un cheval,
personne hormis le vent, personne
hormis la pluie qui tombe sur les eaux de la mer,
personne d'autre que la pluie qui grandit sur la mer.

PABLO NERUDA.
Traduit de l'espagnol par GRETA KNUTSON
Revue Europa N° 198, 15 juin 1939,  PAGES 198 / 200