jeudi 2 septembre 2021

MIKIS THEODORAKIS, LE COMPOSITEUR ET SYMBOLE À LA RÉSISTANCE DE LA DICTATURE DES COLONELS EN GRÈCE, EST MORT

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DE GAUCHE À DROITE MIKIS THEODORAKIS, MATILDE URRUTIA, 
PETROS PANDIS ,  PABLO NERUDA,   EN 1972 À PARIS
Mikis Theodorakis, auteur de la bande originale de «Zorba le Grec » et opposant à la dictature des colonels, est mort Symbole de la lutte contre le régime militaire en Grèce à la fin des années 1960, il avait ensuite été député puis ministre de gauche. Il est mort le 2 septembre, à l’âge de 96 ans.

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Concert avec des œuvres de Mikis Theodorakis à la salle de concert d'Athènes. Voy a vivir (Chant général), Soliste Petros Pandis, Musique Mikis Theodorakis, Paroles Pablo Neruda

Par Patrick Labesse

Un des plus célèbres compositeurs grecs vient de disparaître. Un de ses personnages publics les plus notoires également, pour qui l’engagement politique était indissociable de l’engagement artistique. Compositeur de la bande originale du film Zorba le Grec (réalisé par Michael Cacoyannis, sorti en 1964) qui a rendu populaire la danse du sirtaki (inventée pour les besoins du film), Mikis Theodorakis, symbole de la résistance contre la dictature, figure emblématique de la vie politique grecque, laisse derrière lui une œuvre dense et le souvenir d’un homme debout, engagé à gauche, révolté et résistant jusqu’au bout de ses forces. Il est mort jeudi 2 septembre à Athènes, à l’âge de 96 ans, a-t-on appris de source hospitalière, confirmée par plusieurs médias grecs.

Mikis Theodorakis naît le 29 juillet 1925 sur l’île de Chios, proche de la Turquie. Il se disait passionné de musique depuis l’enfance. A 12 ans, il couche déjà sur le papier ses premières compositions et donne son premier concert à 17 ans. Lors de l’occupation de la Grèce pendant la seconde guerre mondiale par les troupes allemandes, italiennes et bulgares, il suit en cachette des cours au conservatoire d’Athènes, milite dans la résistance, est à deux reprises arrêté et subit la torture. Pendant la guerre civile qui déchire la Grèce après la Libération, pugnace militant communiste, il connaît à nouveau arrestations et torture.

Un an après la fin du chaos, en 1950, il est diplômé du conservatoire où est créée son œuvre Assi Gonia. Il part en Crète et fonde son premier orchestre. Plus tard, lauréat d’une bourse, il gagne la France où il va suivre les cours d’Eugène Bigot et d’Olivier Messiaen, au conservatoire de Paris. Au fil de ses compositions (musique symphonique, musique de chambre, cantates et oratorios, musiques de ballet…), il devient un compositeur classique apprécié.


Musique classique et musique populaire

« Au moment où il réussit à entrer dans le cercle des jeunes compositeurs internationalement reconnus, il découvre la musique populaire grecque », écrit son biographe Guy Wagner, auteur de Mikis Théodorakis : une vie pour la Grèce (Editions Phi, Luxembourg, 2000). « Ce que j’admire chez lui, c’est qu’il était parti pour faire une carrière dans la musique classique, mais quand il a commencé à jouer ses œuvres devant des bourgeois, il s’est dit “Je ne veux pas faire de la musique pour ces gens-là”, et il s’est mis à composer des chansons », commente pour Le Monde, la chanteuse grecque Angélique Ionatos, une des interprètes, avec la contralto Maria Farantouri, les plus fidèles et talentueuses de Theodorakis.

ARCHIVES JOURNAL L’HUMANITÉ, 1974 
Sur les paroles de son frère Yannis, Mikis Theodorakis compose Lipotaktes (« Le Déserteur ») et sur le cycle de poèmes de Yannis Ritsos, Epitaphios. Suivent d’autres créations magnifiant les textes et la poésie d’auteurs grecs des XIXème et XXème siècles. Après l’assassinat, en 1963, du député de l’EDA (Gauche démocratique unifiée) Grigoris Lambrakis (raconté dans le film Z, en1969, réalisé par Costa-Gavras, dont Theodorakis composera la musique), il fonde la Jeunesse démocratique Lambrakis, qui deviendra alors la plus forte organisation politique du pays.

Le grand public, hors de Grèce, découvre le compositeur à travers sa musique écrite pour Zorba le Grec, qui sort en 1964. Elle restera l’une de ses œuvres les plus célèbres, avec le Canto General (Pablo Neruda), et Axion Esti, un oratorio composé en 1960 sur les poèmes d’Odysseas Elytis (Prix Nobel en 1979). « Il en a fait un oratorio populaire, et on entendait des maçons le chanter en travaillant », raconte Angélique Ionatos.

Exilé à Paris

Arrêté et déporté pendant la dictature des colonels (1967-1974), il est exilé à Paris en 1970, grâce à la pression internationale et les campagnes de solidarité impliquant diverses personnalités (Dmitri Chostakovitch, Leonard Bernstein, Arthur Miller, Harry Belafonte, Jean-Jacques Servan-Schreiber…). Depuis Paris, il mène combat contre les colonels, en créant le Conseil national de la résistance (EAS). Il rencontre le poète chilien Pablo Neruda, à qui il propose de mettre en musique son Canto General, un poème épique en quinze chants, publié à Mexico, en 1950. Il fait une tournée mondiale pour appeler à la restauration de la démocratie en Grèce.

De retour chez lui, après la chute de la dictature, il dirige pour la première fois à Athènes, en 1975, le Canto General, un oratorio dont il terminera la composition en 1980. Battu aux élections municipales d’Athènes où il se présentait sous l’étiquette du KKE, le Parti communiste grec, il est élu député en 1981, un mandat qu’il conservera jusqu’en 1986, avant de se remettre à la composition, dont celle de son opéra Medea, créé en octobre 1991 à Bilbao, en Espagne.

Après les élections d’avril 1990, nommé ministre d’Etat sans portefeuille dans le gouvernement de Konstantinos Mitsotakis, il s’engage avec le musicien et chanteur turc Zülfü Livaneli, pour une réconciliation entre les Grecs et les Turcs. En 1992, il quitte le gouvernement, il compose le Canto Olympico pour les Jeux olympiques de Barcelone, prend la direction des chœurs et orchestres symphoniques de la radio-télévision nationale grecque. Il se retranche un temps de la vie publique.

En 2010, à 85 ans, il retrouve le goût de la résistance et lance un nouveau mouvement politique, Spitha (« L’Etincelle »). L’année suivante, ses propos sur « les juifs américains », responsables selon lui « de la crise économique mondiale qui a aussi touché la Grèce », feront polémique. Theodorakis participe en 2012 aux manifestations contre les mesures d’austérité imposées par le FMI et l’Union européenne. « Il est le dernier lion qu’il nous reste. Il continue à lutter, à parler », commentera plus tard la chanteuse Angélique Ionatos à propos de celui qu’elle considérait comme son « père en musique ».

Le 4 février 2018, au cours d’un immense rassemblement à Athènes, il appelait à un référendum sur la question du nom de la voisine Macédoine. Cloué sur un fauteuil roulant, dans un discours virulent, il martelait son opposition à la signature d’un compromis entre les autorités grecques et l’ancienne République yougoslave. Il a perdu son ultime combat. Le 25 janvier 2019, le Parlement d’Athènes votait ce compromis consacrant le nom officiel de République de Macédoine du Nord.

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Mikis Theodorakis en quelques dates
  • 29 juillet 1925 Naissance sur l’île de Chios (Grèce)
  • 1947 Première déportation, à l’île d’Ikaria
  • 1960 « Axion Esti », oratorio
  • 1964 Bande originale de « Zorba le Grec »
  • 1970 Exil à Paris
  • 1975 Première, à Athènes, du « Canto General »
  • 1991 Création de son opéra « Medea », à Bilbao (Espagne)
  • 2010 Crée le mouvement des citoyens indépendants : Spitha (« L’Etincelle »)
  • 2021 Mort à Athènes.
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vendredi 9 juillet 2021

ANGÉLIQUE IONATOS : LA CHANTEUSE GRECQUE EST MORTE À L'ÂGE DE 67 ANS

 

ANGÉLIQUE IONATOS : LA CHANTEUSE
GRECQUE EST MORTE À L'ÂGE DE 67 ANS

La chanteuse grecque Angélique Ionatos est morte à l'âge de 67 ans, comme l'a annoncé son fils à l'AFP.

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Télé 7 Jours

Angélique Ionatos vivait en France depuis plus de 40 ans. Alors que son dernier album, Reste la lumière, était sorti en octobre 2015, elle s'était produite pour la dernière fois aux Lilas, en banlieue parisienne, le 6 avril 2018. Le premier titre de sa carrière, Résurrection (en duo avec son frère Photis), était écrit en français. Par la suite, Angélique Ionatos favorisera la langue grecque dans ses chansons.

Grande amatrice de poésie, l'artiste pouvait également chanter sur scène en espagnol, comme lorsqu'elle reprenait l'oeuvre du Chilien Pablo Neruda ou encore des textes du journal intime de la peintre mexicaine Frida Kahlo. Les cendres d'Angélique Ionatos seront dispersées en Grèce, comme le rapporte l'AFP.

Triste nouvelle pour la culture grecque, mais aussi française. Ce mercredi 8 juillet, la chanteuse Angélique Ionatos s'est éteinte à l'âge de 67 ans. Son fils Alexis Sévenier a communiqué la triste nouvelle à l'AFP, en indiquant que l'artiste avait succombé des suites d'une longue maladie. 

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samedi 3 juillet 2021

HYMNE A LA LIBERTÉ RETROUVÉE AU JARDIN DES DEUX-RIVES AVEC LE CANTO GENERAL DE THEODORAKIS

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PHOTO DOSTENA LAVERGNE / DNA 

Dimanche 4 juillet à 17 h, le Chœur Philharmonique de Strasbourg (CPS) s’associe aux Percussions de Strasbourg pour interpréter le Canto General de Mikis Theodorakis, lors de la Symphonie des Arts au jardin des Deux Rives de Strasbourg.
 
IILLUSTRATION  DIEGO RIVERA
Avec les solistes Manuela Rovira, mezzo-soprano, et Alvaro Vallès, baryton-solo, la représentation du Canto General de Theodorakis ce dimanche au jardin des Deux Rives fera date dans le programme musical de l’été 2021.

Le retour du Chœur Philharmonique de Strasbourg (CPS) sur scène sera célébré par une œuvre mythique, symbole de la liberté et de la fraternité universelle entre humains, mais aussi entre l’Homme et la Nature. Initialement prévu pour être joué lors de la présidence grecque du Comité des ministres du Conseil de l’Europe en juin 2020, le Canto Général aura attendu un an pour rejaillir de toute sa beauté au jardin des Deux Rives.

jeudi 25 mars 2021

VAL-D'OISE. LE PRINTEMPS EST INEXORABLE: UN RASSEMBLEMENT INÉDIT POUR DÉFENDRE LA CULTURE

PHOTO FACEBOOK

« Le printemps est inexorable », comme disait le poète chilien Pablo Neruda, est un mouvement national pour soutenir le monde de la culture.

Par Julien Ducouret 

PABLO NERUDA JEUNE 

En lien avec la mobilisation nationale lancée par les syndicats professionnels du spectacle vivant le week-end des samedi 20 et dimanche 21 mars 2021, les acteurs culturels et élus du Val-d’Oise et de la Région Ile-de-France se sont unis et rassemblés sur les réseaux sociaux pour lancer un message collectif fort sur l’urgence d’avoir des perspectives concrètes pour la réouverture des lieux de spectacle à l’issue du confinement.

Soutien inexorable

Comme dans toute la France, ils se sont appuyés sur la citation de Pablo Neruda – Le printemps est inexorable – phrase choisie par la ministre de la Culture en janvier dernier pour partager son optimisme quant à la réouverture des lieux culturels.

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Sous l’impulsion de Points communs, scène nationale Cergy-Pontoise / Val-d’Oise, l’ensemble des acteurs culturels et élus du territoire ont choisi de réaliser une vidéo exprimant massivement leur soutien « inexorable » au monde de la culture : artistes, compagnies, lieux culturels, festivals, techniciens et administratifs.

3 000 vues

Avec cette vidéo, vue près de 3 000 fois depuis samedi 20 mars à 12h, ils ont invité les habitants et publics du Val d’Oise à partager au plus grand nombre leur besoin vital de culture.

Les partenaires mobilisés 

Art Ensemble, école de cirque Cherche Trouve

Abbaye de Maubuisson

Centre culturel L’imprévu de Saint-Ouen-l’Aumône

Centre des arts d’Enghien-les-Bains

Château d’Auvers

CirquEvolution, réseau de soutien au cirque contemporain

Compagnie Oposito – Le Moulin fondu, centre national des arts de la rue et de l’espace public

Conservatoire à rayonnement régional de Cergy-Pontoise

Direction de l’action culturelle de Goussainville

Direction des actions culturelles de Gonesse

Direction des affaires culturelles de Montigny-lès-Cormeilles

Ecole nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy

Escales danse

Espace culturel Lucien Jean de Marly-la-Ville

Espace Germinal, scènes de l’est valdoisien

Festival d’Auvers-sur-Oise / Piano Campus

Festival baroque de Pontoise

Festival Cergy, Soit !

Festival Imago / Théâtre du Cristal

Festival Jazz au fil de l’Oise

Festival théâtral du Val d’Oise

Forum de Vauréal

Fondation Royaumont

La Ruche

Le Figuier blanc d’Argenteuil

L’Orange Bleue* d’Eaubonne

Musée archéologique & Musée de l’outil du Val d’Oise

Points communs, scène nationale Cergy-Pontoise / Val d’Oise

Service des affaires culturelles de Villiers-le-Bel

Théâtre de Jouy de Jouy-le-Moutier

Théâtre du Cormier et Studio 240 de Cormeilles-en-Parisis

Théâtre Paul Eluard, scène conventionnée danse de Bezons

Tous les partenaires, acteurs du monde culturel et élus du Val-d’Oise souhaitent une mobilisation générale pour l’obtention d’un calendrier prochain de réouverture des lieux culturels et que se dessine enfin le moment où artistes et publics pourront à nouveau partager cette alchimie artistique qui nous tient tous à cœur dans les théâtres.

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lundi 22 mars 2021

CAEN. LA CULTURE VEUT CROIRE AU RETOUR DES BEAUX JOURS

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« LE PRINTEMPS EST INEXORABLE »
PHOTO OUEST-FRANCE

Caen. La culture veut croire au retour des beaux jours

Environ 400 personnes se sont rassemblées à 13 h sur la place du Théâtre, à Caen (Calvados), ce samedi 20 mars 2021. Une manifestation de soutien au monde culturel, dans le cadre du mouvement national « Le printemps est inexorable ».

Lucas LARCHER

Les manifestants ont contribué au « mur de fleurs» installé devant le théâtre de Caen.

À Caen (Calvados), la place du théâtre s’est transformée en fête du printemps, ce samedi 20 mars 2021. Pour accueillir la nouvelle saison, quelque 400 personnes s’y sont réunies pour réclamer la réouverture des espaces culturels et le retrait de la réforme de l’assurance chômage, jugée pénalisante pour les demandeurs d’emploi.  Ouest-France

ILLUSTRATION / LIBERTÉ LE BONHOMME LIBRE
Sur les communiqués publiés sur les pages Facebook des institutions culturelles de Caen (Calvados), le ton est donné. Samedi 20 mars 2020, les différents théâtres de Caen, le Zénith, les cinémas et tous les autres acteurs culturels appellent au rassemblement devant le théâtre de Caen à 13 heures. 

Par Margaux Rousset

« Pablo Neruda vs Roseline Bachelot »
MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE CAEN 

« Pablo Neruda vs Roseline Bachelot». Le théâtre de la Comédie de Caen occupé nuit et jour par des intermittents du spectacle
Cette mobilisation nationale entend s’inspirer de la citation de Pablo Neruda : « le printemps est inexorable ». Citation reprise par la ministre de la Culture lors d’une conférence de presse, le 14 décembre dernier. 

À Caen, il s’agit d’un rassemblement fleuri : les participants sont conviés à venir avec une fleur pour composer un mur végétal devant le théâtre. 
Faire entendre son désir de culture
Nous n'avons pas compris que la culture ne soit pas considérée comme un lien social essentiel, existentiel, nécessaire à la vie. Nous n'avons pas compris qu'elle soit mise à l'écart. 
Ainsi les institutions appellent les spectateurs, les artistes, les professionnels de la culture, les élus, les citoyens, à se réunir pour faire entendre leur désir de culture. 

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lundi 22 février 2021

MORT D’HÉLÈNE MARTIN, UNE VOIX POÉTIQUE

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HÉLÈNE MARTIN
PHOTO  BORIS LIPNITZKI 

Les faits. Elle a chanté Aragon, Giono, René Char, Pablo Neruda… La chanteuse et compositrice, Hélène Martin décédée le 21 février à 92 ans, a toujours associé poésie chantée, goût du théâtre et écriture.

« ENTRE MORIR Y NO MORIR» PAROLES PABLO NERUDA 
MUSIQUE ET INTERPRÈTE HÉLÈNE MARTIN

Nathalie Lacube

Lecture en 2 min.

POCHETTE DE L'ALBUM VINYLE
D'HÉLÈNE MARTIN
« TESTAMENTO DE OTOÑO»
Le désir… l’essentiel de nos vies. Tel est le titre du dernier album d’Hélène Martin, sorti en 2019 sur le label EPM. Une célébration des plaisirs d’une vie marquée par de belles rencontres, un grand amour des mots et de la musique. Hélène Martin, décédée dimanche 21 février à 92 ans à Cordemais (Loire-Atlantique), chanteuse, auteure-compositrice, était également une poétesse discrète, connue par la voix de grands poètes du XXème siècle qu’elle a interprétés.

Les peintres l’inspirent, Jean Genet l’encourage

Hélène Martin Autrice, compositrice, interprète, elle fut l’une des premières à mettre en musique les poèmes d’Aragon, de Genet, Neruda, Queneau… Elle s’est éteinte le 21 février, à l’âge de 92 ans.
PHOTO  BORIS LIPNITZKI 

Née en décembre 1928 à Paris, elle s’était lancée dans la chanson dans les cabarets parisiens. Au début des années 1960, elle a l’idée de mettre en musique des poètes, en adaptant des œuvres de Jean Genet, qui l’encourage dans cette voie. Elle crée Sur mon cou, l’adaptation d’un texte de Genet (extrait du «Condamné à mort »), reprise ensuite par Étienne Daho.

« Les peintres, Rembrandt, Turner, Chagall, m’ont ouverte à l’expression. Depuis, je ne conçois pas la vie sans état poétique. Rilke est tout aussi vivant pour moi que l’Italien Erri De Luca, confiait-elle en 2009 à La Croix. Chanter, c’est comme offrir un baume qui soignerait toutes les blessures. Il n’y a rien de plus mystérieux. Et lorsque l’on chante c’est toujours la première et la dernière fois. Comme en amour. »

Les grandes heures de son émission Plain-Chant sur France 2

René Char, Pablo Neruda, Louis Aragon, Jean Giono, Claude Roy, et tant d’autres figurent sur les « Abécédaires », qu’enregistre Hélène Martin. Elle crée aussi des émissions télévisées ou radiophoniques sur les écrivains. Il faut revoir les 22 émissions de sa série télévisée « Plain-Chant » qui, dans les années 1970 sur France 2, dressaient le portrait de poètes comme Queneau ou Soupault. Ainsi que réentendre ses courts programmes, qui sur les ondes de Radio France, invitaient une personnalité à dire les émotions ressenties à l’écoute de sa chanson préférée.

« AL ODIO LE DEJARE» PAROLES PABLO NERUDA 
MUSIQUE ET INTERPRÈTE HÉLÈNE MARTIN

Sans jamais renoncer à porter le beau auprès d’un large public, Hélène Martin se produit sur scène dans de mémorables récitals, durant un demi-siècle. Elle interprète ses propres textes, dont Liberté Femme, inspiré par ses engagements féministes. Celle qui a appris à chanter avec des Tsiganes, élargit sans cesse son répertoire, de Rimbaud, Jean Sénac, ou François Villon. « Parce qu’une simple chanson peut emmener très haut, peut guérir l’univers. » Les mots sont d’Eugène Guillevic.

Les disques d’Hélène Martin, dont La Douceur du bagne, sont édités chez EPM.


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vendredi 15 janvier 2021

QUAND ROSELYNE BACHELOT CITE PABLO NERUDA, ÇA VEUT DIRE QUOI ?

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PHOTO THOMAS COEX/POOL VIA REUTERS
Lors de la conférence de presse du gouvernement du 14 janvier, la ministre de la Culture a glissé une citation du poète chilien : « Le printemps est inexorable. » Cryptique.

Par Elisabeth Philippe  

PEINTURE RICHARD DAY

Imaginez. Vous êtes une des plumes de Roselyne Bachelot. Vous planchez sur le discours de votre ministre pour la conférence de presse. Dans quelques heures, les membres du gouvernement doivent annoncer les nouvelles mesures sanitaires. Sauf que, pour le monde de la culture, d’annonces et de nouvelles mesures, il n’y a pas. Que dalle. Walou. Nada. Pas une seule date à donner, pas une réouverture en vue, pas le moindre signe d’espoir. Or « vivre sans espoir, c’est cesser de vivre », comme l’écrivait Dostoïevski.

Pour seule consigne, on vous donne un vague horizon : le printemps. Ça ne mange pas de pain de dire que ça ira mieux au printemps. C’est flou, c’est fleuri. Débrouillez-vous avec ça. Vous êtes las d’écrire sur du vent, de broder sur du vide. « Penser printemps ! » Ces mots tournent en boucle dans votre tête. Mais vous ne pouvez décemment pas les utiliser. Ça sentirait trop le réchauffé. Personne n’a oublié Emmanuel Macron, lors de ses vœux en 2017, et la façon dont il exhortait alors le peuple français à « penser printemps », reprenant là les mots du philosophe Alain.

Vous jetez un œil par la fenêtre. Il pleut. Sur les arbres, aucun bourgeon prêt à éclore. Pourtant, comme disait William Blake, « le plus timide bourgeon est la preuve qu’il n’y a pas de mort réelle ». Alors quoi, autant en finir tout de suite ? Votre regard se pose de nouveau sur votre écran. Et là, l’illumination.

Après l’hiver, viendra le printemps : c’est inexorable

Les mains tremblantes, vous entrez les mots « printemps » et « citations » dans votre moteur de recherche. Puis, fébrile, vous cliquez sur le lien que l’on vous propose gracieusement. Magie des algorithmes, le premier résultat est le bon. Une phrase aussi sublime qu’énigmatique s’affiche en lettres parme : « Le printemps est inexorable ». C’est du Pablo Neruda. Banco, triple banco : un poète chilien, prix Nobel, engagé, peut-être même un martyr. Après tout, les circonstances de sa mort restent troubles. Ça va plaire à tous ces intermittents et ces bobos qui chouinent sur leur sort. Non, vous ne pensez pas ça, bien sûr, mais tel Jules Renard, vous croyez que « l’ironie est la pudeur de l’humanité ».

Alors, certes, cette phrase, « le printemps est inexorable », provient d’une ode au communisme - pas très « start-up nation » - que l’on trouve à la fin des Mémoires de Neruda « J’avoue que j’ai vécu » :

La vie des vieux systèmes a éclos dans les énormes toiles d’araignée du Moyen Age… Des toiles d’araignée plus résistantes que l’acier des machines… Pourtant, il existe des gens qui croient au changement, des gens qui ont pratiqué le changement, qui l’ont fait triompher, qui l’ont fait fleurir… Mince alors !… Le printemps est inexorable ! » (Folio, trad. de Claude Couffon)"

Oui, bon, après tout, Emmanuel Macron a bien écrit un livre programmatique intitulé « Révolution ». Hasta siempre Presidente ! Mais hors contexte, ça veut dire quoi, exactement, « le printemps est inexorable » ? Est-ce que ça signifie que le printemps est sans pitié, inflexible et implacable ? Dans ce cas, pour la note d’espoir, on repassera. A moins qu’il faille comprendre que le printemps est inévitable. Gao Xingjian a raison : « le destin se moque des hommes ». Et les saisons, tout autant. Donc oui, « après la pluie vient le beau temps » et après l’hiver viendra le printemps. C’est inexorable !

Vous exultez. Enfin, vous l’avez trouvée cette formule qui fera mouche, celle qui donnera un petit supplément d’âme à un discours un peu terne, pour ne pas dire sinistre. En début de soirée, jeudi 14 décembre, la ministre de la culture termine son allocution par ces mots, ceux-là mêmes que vous avez écrits : « Pour l’instant, la situation sanitaire est trop dégradée et trop instable pour envisager une date ferme de réouverture. » Avant de glisser, l’air entendu : « Mais je sais aussi, avec Pablo Neruda, que le printemps est inexorable. » Au rayon des citations prêtes à l’emploi, il y avait aussi cette phrase de Montaigne, ou plutôt de Platon, enfin de Socrate : « Je sais que je ne sais rien ». Elle aurait peut-être été plus honnête.

Merci au poète et éditeur Bruno Doucey, auteur de « Pablo Neruda. Non à l’humanité naufragée » (Actes Sud Junior,) qui m’a aidée à retrouver l’origine de la citation. Lui-même y fait allusion dans son livre, écrivant au sujet de Neruda : « Ses ennemis auraient beau couper les fleurs une à une, ils n’empêcheraient pas le printemps. »
PABLO NERUDA  
PHOTO FUNDACIÓN PABLO NERUDA

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PABLO NERUDA : « NON À L'HUMANITÉ NAUFRAGÉE»

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PABLO NERUDA : « NON À
L'HUMANITÉ NAUFRAGÉE»

La plus grande fierté de sa vie. Le poète chilien Pablo Neruda, magistral écrivain, prix Nobel de littérature, condamné à l’exil politique, parlait ainsi du Winnipeg, ce bateau grâce auquel il accomplit le sauvetage de milliers de réfugiés espagnols en 1939. Une aventure étonnante et méconnue qui résonne de manière brûlante avec notre actualité.

Actes Sud Junior

Ceux qui ont dit non

Octobre, 2020

11.00 x 17.60 cm, 96 pages 

ISBN : 978-2-330-14172-1

Prix indicatif : 9.00€

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