lundi 3 avril 2023

PROLOGUE DE LA NOUVELLE ÉDITION DE «RÉSIDENCE SUR LA TERRE»

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EL POETA CHILENO, RAÚL ZURITA, EN 2018.
FOTO AGENCE OPALE / ALAMY

 

Ñ

Raúl Zurita écrit sur « un miracle » appelé Pablo Neruda / L'auteur chilien, l'un des plus influents de la poésie vivante en espagnol, célèbre dans un nouveau prologue la maestria de son compatriote et lauréat du prix Nobel dans «Résidence sur la terre»

Ce sont des images, des ailes, des solitudes. Neruda : le dernier cap des mots

Parmi les plumes qui effraient, parmi les nuits,

parmi les magnolias, parmi les télégrammes,

parmi le vent du Sud et l'Ouest marin,

 te voici qui viens en volant.

(Voici Alberto Rojas Jiménez qui vient en volant) 1

C'est l'un des poèmes les plus prodigieux jamais écrits et le simple fait qu'il existe, ainsi que le livre qui le contient, est un miracle. Dans un autre poème du livre, on trouve la vision hallucinante d'un début :

Comme des cendres, comme des mers se peuplant,

dans la lenteur submergée, dans l’informe,

ou comme on entend du haut des chemins

la traversée en croix des coups de cloches, 2

RAÚL ZURITA

PORTADA DE
 «RESIDENCIA EN LA TIERRA»

C'est le début de « Galop mort», le premier poème de Résidence sur la terre, et l'effet est immédiat : on parvient à entrevoir les traces d'une nouvelle genèse : le ton, la texture de l'image, sa blancheur, son immensité, et notre impression est une fois de plus celle d'être devant un monument impossible : rien dans Résidence sur la terre n'était prédit. Contrairement à Borges, par exemple, dont l'œuvre, sans doute grandiose, est d'une manière ou d'une autre contenue dans l'horizon spéculatif d'un monde qui a créé la théorie de la relativité et des géométries multidimensionnelles, il n'est donc pas invraisemblable de déduire, à la manière de Borges, que s'il n'avait pas écrit «Les Ruines circulaires» ou « L'Aleph », quelqu'un d'autre, un autre Borges, l'aurait fait. Il n'y avait rien, absolument rien dans une culture ou dans une histoire ou dans une langue qui suggérait que cet ensemble de poèmes allant de «Galop mort» à «Josie Bliss», qui clôt le deuxième volume de Résidence, pouvait être écrit, mais il le fut.

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