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LE SÉNATEUR DE LA RÉPUBLIQUE PABLO NERUDA DANS LE SUD DU CHILI FÉVRIER 1949 |
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« PABLO NERUDA TRAVERSE LA CORDILLÈRE DES ANDES» FLYER PCCH |
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LE SÉNATEUR DE LA RÉPUBLIQUE PABLO NERUDA DANS LE SUD DU CHILI FÉVRIER 1949 |
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« PABLO NERUDA TRAVERSE LA CORDILLÈRE DES ANDES» FLYER PCCH |
PABLO NERUDA PAR ERNEST PIGNON-ERNEST 1981
ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE
D'ERNEST PIGNON-ERNEST
1942 - 23 février - 2023
Ses œuvres sont devenues des icônes mondiales. De Rimbaud à Pasolini en passant par Neruda, les représentations humaines d’Ernest Pignon-Ernest réalisées au fusain, à la pierre noire, laissant une place gigantesque à l’ombre portée, ont fait le tour du monde. Associé à des prises de position fortes contre la guerre d’Algérie ou l’Apartheid en Afrique du Sud, Ernest Pignon-Ernest est devenu une icône du street-art. Il expose à Antraigues-sur-Volane une partie de sa galerie consacrée aux poètes (Maison Ferrat, jusqu’au 1er octobre).Par Jérémy ECOFFET
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ERNEST PIGNON-ERNEST POSE DEVANT L’UNE DES ŒUVRES EN L’HOMMAGE À PABLO NERUDA. PHOTO JÉRÉMY ECOFFET |
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LEEMAGE via AFP
PHOTO COLORISÉE PAR ARAUCARIA
ACTU / Chili. Enfin la vérité sur la mort de Pablo Neruda ? / Le troisième panel d’experts doit rendre ses conclusions ce 15 février sur les circonstances du décès du poète. Sa famille confirme la présence d’un bacille meurtrier, accréditant la thèse de l’empoisonnement par les sbires de Pinochet.
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PABLO NERUDA À ISLA NEGRA, AU CHILI 1972 PHOTO BRIDGEMAN |
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PABLO NERUDA À ISLA NEGRA, AU CHILI 1972 PHOTO BRIDGEMAN |
Officiellement, le certificat rédigé par la junte mentionne un décès des suites d’un cancer de la prostate. Les experts qui, mis sous pression, ont déjà repoussé plusieurs fois la publication de leur rapport, sont pourtant formels : le bacille en cause, généralement présent dans le sol, n’a pas pénétré le cercueil mais était déjà présent dans le corps du poète avant qu’il ne rende son dernier souffle. « La balle mortelle de Neruda a été retrouvée, celle qu’il avait dans son corps. Qui a tiré ? Cela se saura bientôt », appuie Rodolfo Reves.
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PABLO NERUDA À ISLA NEGRA, AU CHILI 1972 PHOTO BRIDGEMAN |
Après une longue bataille judiciaire, la dépouille de Pablo Neruda avait été exhumée en 2013. Son chauffeur et garde du corps, Manuel Araya, a toujours eu l’intime conviction de l’assassinat de celui qui fut également diplomate. « Nous, nous craignions pour sa vie car on le savait en danger. L’ambassadeur du Mexique voulait le faire sortir du pays », livrait-il à l’Humanité en 2013. Dix jours avant son décès, un bateau militaire se poste devant la demeure de Neruda à Isla Negra, avant d’accoster et de demander combien de personnes sont employées par l’écrivain. Il reviendra à plusieurs reprises. « Pablo Neruda était un symbole à abattre. Il fut sénateur, candidat à la présidence, prix Nobel, communiste. Il était connu, reconnu et apprécié du peuple », témoigne Manuel Araya.
Le 22 septembre 1973, le garde du corps se rend avec Matilde, l’épouse de Neruda, dans leur demeure pour rassembler quelques affaires. L’après-midi même, on les informe qu’une injection a été pratiquée à la clinique Santa Maria à Santiago où le poète est hospitalisé. « Lorsque nous revenons à la clinique, Neruda est rouge, il me dit que tout son corps le brûle », confie-t-il. En quittant le centre médical, deux véhicules attendent Manuel Araya, qui échoue au commissariat. La suite des événements ne laisse d’interroger. Sergio Draper, le médecin qui a pratiqué l’injection, assure que Neruda est mort dans ses bras. Une version qu’il dément lors de son témoignage : il explique subitement ne pas avoir été présent à la clinique au moment du décès.
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PABLO NERUDA À ISLA NEGRA, AU CHILI 1972 PHOTO BRIDGEMAN |
À force d’obstination, Manuel Araya parvient, en 2011, à convaincre le Parti communiste du Chili (PCCh) de déposer une plainte criminelle aux fins d’exhumation. Une série d’analyses est depuis menée, sans conclusion convaincante. En 2014, des experts espagnols relèvent la présence massive de staphylocoque doré sur le corps de Neruda. Des éléments confondants. Ces bactéries sont précisément celles utilisées par Eugenio Berrios, le biochimiste de la police politique et secrète de Pinochet, la Dina. À l’époque, son laboratoire concourt à l’élimination discrète des opposants. Le scientifique a ainsi permis de produire drogues, poisons et microbes capables d’abuser les médecins légistes. L’alliance des dictatures militaires sud-américaines, déterminée à liquider leurs ennemis, loue également son génie et le charge de développer des produits neurotoxiques tel le gaz sarin testé sur des prisonniers politiques.
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CERCUEIL DE PABLO NERUDA PHOTO FINA TORRES COLORISÉE ARAUCARIA |
Après la découverte de Clostridium botulinum dans des échantillons d’ADN de la dent de Neruda, en 2017, le deuxième panel d’experts exclut déjà que le décès soit lié au cancer. Ils ne peuvent à l’époque confirmer la manière dont le bacille s’est logé là. Si elle n’est pas édulcorée, leur conclusion, rendue ce jour, pourrait permettre de confirmer que Manuel Araya avait raison depuis le début. Un pas de plus vers la vérité. « La haine est un poisson-épée/elle se meut dans l’eau invisible/et on la voit venir alors/et elle a du sang sur le couteau/la transparence la désarme », écrivait le poète. Pablo Neruda et les 3 200 morts de la dictature, présents !
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COUVERTURE DE LE BIOGRAPHIE «PABLO NERUDA: A PASSION FOR LIFE» COLORISATION ARAUCARIA |
Le 23 septembre 1973, douze jours après le coup d’État militaire d’Augusto Pinochet au Chili, on apprenait la mort du poète et homme politique communiste Pablo Neruda atteint d’un cancer… Mais sa mort relève plutôt d’un assassinat, dénonce sa famille depuis plusieurs années. Alors qu’un rapport d’expert très attendu sera rendu ce 15 février 2023, voici le récit de ce décès très politique qui raconte, en creux, l’histoire récente du Chili.
par Paul GRATIAN pour Ouest-France
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MARIE-LAURE SARA-DE LA VAISSIÈRE |
Le poète et homme politique chilien Pablo Neruda est-il bien mort en 1973 d’un cancer, comme l’a affirmé le pouvoir de Pinochet, au moment de son décès ? Ou s’agit-il plutôt d’un assassinat politique, comme le dénoncent depuis des années les communistes chiliens et la famille du lauréat du prix Nobel de littérature ? À cette question, qui agite de nombreux experts depuis des années, une réponse (peut-être définitive) devrait être apportée ce mercredi 15 février 2023.
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Un rapport très attendu, qui vise à conclure une enquête ouverte en 2011, doit en effet être remis dans la matinée ce 15 février (à 14 h, heure française). Il pourrait accréditer la thèse d’un empoisonnement politique, selon les premiers éléments révélés par la famille de l’auteur sud-américain. Rodolfo Reyes, avocat et neveu de Pablo Neruda a en effet révélé au média espagnol Cadena Ser lundi 13 février que son oncle a été assassiné par des « agents de l’État ». Sa mort serait donc bien due à une bactérie venue de l’extérieur et non au cancer de la prostate dont il souffrait. Selon lui « il ne fait aucun doute que Neruda a été tué par une intervention directe d’un tiers ». On ignore toutefois si le rapport sera aussi définitif que le laisse penser la famille de l’auteur.
Un certificat de décès très clair… mais beaucoup de questions
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ACTE DE DÉCÈS DE PABLO NERUDA |
Pour comprendre pourquoi cette question est si sensible, il faut remonter à l’année 1973, sûrement l’année la plus importante de l’histoire récente du Chili. Quatre ans plus tôt, l’ex sénateur communiste Pablo Neruda renonce à sa candidature à la présidentielle au profit de son allié le socialiste Salvador Allende. Ce dernier fini par l’emporter en 1970, et Pablo Neruda, soutien actif de Salvador Allende, est nommé ambassadeur en France.
Cet amoureux de la culture française y vit quelques années (il achète même une maison en Normandie à Condé-sur-Iton), avant de revenir au Chili en 1972. À son retour, une foule en liesse l’acclame au Stade National, à Santiago.
Photo datée du 21 octobre 1971 de l’écrivain, poète et diplomate chilien, Pablo Neruda, alors ambassadeur du Chili en France, répondant aux questions des journalistes à l’ambassade chilienne, après avoir reçu le Prix Nobel de Littérature 1971.
Photo datée du 21 octobre 1971 de l’écrivain, poète et diplomate chilien, Pablo Neruda, alors ambassadeur du Chili en France, répondant aux questions des journalistes à l’ambassade chilienne, après avoir reçu le Prix Nobel de Littérature 1971. | AFP
Mais Salvador Allende est renversé par le coup d’État militaire de Pinochet le 11 septembre 1973. Douze jours plus tard, le 23 septembre 1973, Pablo Neruda, meurt à l’hôpital, à la clinique Santa María de Santiago, à l’âge de 69 ans. Le certificat de décès est alors très clair : une aggravation soudaine de son cancer, qui lui avait été diagnostiqué en France en 1969, est la cause de la mort.
Mais cette version a été contestée de manière publique en 2011. « Manuel Araya, chauffeur du poète, communiste lui aussi, a révélé en 2011 que la mort de son ami a eu lieu suite à un empoisonnement», rappelle Marie-Laure Sara-de La Vaissière, enseignante-chercheuse et docteure spécialisée en études latino-américaines. Pour le grand public, cette thèse, qui n’existait que dans les milieux communistes chiliens, est alors une surprise. « Quand j’ai commencé à travailler sur Pablo Neruda, je n’avais jamais entendu parler de ça », se souvient Marie-Laure Sara-de La Vaissière, autrice d’une thèse intitulée L’inquiétude dans les recueils posthumes de Pablo Neruda .
Selon le récit du chauffeur, tout se serait joué à l’hôpital. Alors que Pablo Neruda cherche à fuir le Chili pour le Mexique et que le départ est prévu pour le 24 février, il se rend le 23 février dans une clinique pour avoir des soins pour son cancer. Pablo Neruda, qui dit à ses proches aller bien à ce moment-là, demande à son chauffeur et sa femme que des livres soient envoyées au Mexique avec lui. Ces derniers partent donc dans sa maison chercher ses livres. « Mais dans l’après-midi, ils reçoivent un appel de Neruda. Il leur dit que des médecins sont venus lui faire une injection alors qu’il dormait », explique Marie-Laure Sara-de La Vaissière.
La suite est racontée par le chauffeur Manuel Araya, interrogé par L’humanité en 2013 : « Lorsque nous revenons à la clinique, Neruda est rouge, il me dit que tout son corps le brûle. C’est très étrange, mais on [des médecins de l’hôpital] m’envoie acheter un médicament. Pourquoi, alors que nous sommes dans un hôpital ? ».
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MANUEL ARAYA, LE CHAUFFEUR DE PABLO NERUDA, LE 6 MARS 2013, À SAN ANTONIO, AU CHILI. PHOTO CLAUDIO SANTANA / AFP |
« Le chauffeur proteste et est finalement arrêté par la police, il reçoit une balle dans la jambe, puis est torturé et emprisonné », ajoute Marie-Laure Sara-de La Vaissière. Ce soir du 23 février, Pablo Neruda meurt.
L’hypothèse de l’assassinat, très vite jugée crédible
Cette hypothèse d’un empoisonnement est très vite jugée crédible. Pablo Neruda était très engagé politiquement (il avait notamment aidé à recueillir de nombreux réfugiés du régime franquiste en Espagne) et il était en train de devenir un vrai opposant à la dictature d’extrême droite de Pinochet. « Ses dernières productions artistiques étaient très politiques », a étudié Marie-Laure Sara-de La Vaissière dans sa thèse. « C’était donc une cible possible de la dictature parce qu’il était engagé politiquement », abonde Rafael Pedemonte, historien et spécialiste de l’idée révolutionnaire pendant le XXème siècle en Amérique latine.
« Pour Pinochet, la crainte était que Neruda, qui allait se rendre au Mexique, devienne une figure majeure de l’opposition chilienne en exil », explique ce maître de conférences à l’Université de Poitiers. « Neruda allait chercher des appuis internationaux pour dénoncer la dictature. Une fois à l’étranger, Pinochet aurait eu pleins de dirigeants contre lui », anticipe Marie-Laure Sara-de La Vaissière.
Il était un symbole à abattre
— Le chauffeur de Pablo Neruda, interrogé par « L’humanité »
De même, son enterrement, a été un moment politique très fort, preuve de la menace qu’il pouvait représenter pour le pouvoir militaire. « Le début de la dictature a été l’un des moments les plus noirs du régime de Pinochet. Dès les premiers jours de la dictature, il y a eu de la torture, des assassinats dans la rue, des camps de concentration, des massacres de militants de gauche… », rappelle Rafael Pedemonte.
« Mais, lors des funérailles, des milliers de personnes, de droite et de gauche confondus, se sont rendues à l’enterrement, ce qui montre qu’il faisait consensus. On a alors entendu des chants communistes dans la rue, malgré la police et le climat de terreur », poursuit Marie-Laure Sara-de La Vaissière. « Beaucoup d’historiens considèrent que les funérailles ont été la première manifestation contre Pinochet, ce qui dit aussi pourquoi Pinochet a voulu l’assassiner », ajoute-t-elle, alors que ces funérailles ont été filmées par plusieurs journalistes. Des vidéos de l’événement sont encore disponibles aujourd’hui sur YouTube .
Le chauffeur de l’auteur, Manuel Araya, dans son interview à L’humanité ne dit pas autre chose : « Il était un symbole à abattre. Il fut sénateur, candidat à la présidence, prix Nobel, communiste. Il était connu, reconnu et apprécié du peuple. »
On comprend donc l’intérêt pour Pinochet de tuer Pablo Neruda. D’autant que « ça ne serait pas la seule fois où des opposants à Pinochet seraient morts dans des circonstances troubles », selon Rafael Pedemonte. « Neuf ans après la mort de Pablo Neruda, un homme politique chilien, Eduardo Frei Montalva, président du Chili de 1964 à 1970 et opposant à Pinochet, a été empoisonné de la même façon, dans le même hôpital. C’était une pratique commune, les opposants étaient traqués de toutes les manières possibles, donc ça correspond aux pratiques de Pinochet », analyse Marie-Laure Sara-de La Vaissière.
Mais si l’assassinat paraît très probable, encore faut-il pouvoir le prouver, ce pour quoi les conclusions du rapport révélées ce 15 février sont très attendues.
Le mystère principal semble résolu, mais d’autres questions restent en suspens
Le Parti communiste chilien, qui a toujours pensé à un empoisonnement, a déposé une plainte en 2011 pour éclaircir les circonstances de la mort de Pablo Neruda. Depuis, trois autopsies ont réalisées et la dépouille de Pablo Neruda a été exhumée en 2013. La première, faite par des médecins chiliens en avril 2013 conclut au cancer. Mais elle est invalidée par la suite. « Une deuxième expertise avec 16 spécialistes de plusieurs pays révèle la présence d’une bactérie qui a été injectée dans le corps de Pablo Neruda. Cette bactérie l’aurait achevé, vu qu’il était très faible à cause de son cancer. La troisième autopsie, dont les résultats seront rendus ce 15 février devrait confirmer cette hypothèse, à en croire les déclarations du neveu de l’auteur », explique Marie-Laure Sara-de La Vaissière.
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UNE PARTIE DES 16 EXPERTS QUI ONT EXAMINÉ LE CORPS DE PABLO NERUDA POUR DÉTERMINER LA CAUSE DE SA MORT, LORS D’UNE CONFÉRENCE DE PRESSE À SANTIAGO, LE 20 OCTOBRE 2017. PHOTO LEO OYARZO / AFP |
Avec ces deux derniers rapports semblant confirmer la thèse d’un assassinat politique, on s’oriente donc vers la fin du mystère entourant la mort de Pablo Neruda. « J’ai l’impression que [les preuves] apporteront des conclusions qui pourraient être définitives afin que la magistrate qui est actuellement en charge de l’enquête puisse prendre une décision finale », avait déclaré en janvier 2023, Mario Carroza, juge coordinateur de l’enquête, selon l’AFP.
Mais certains mystères restent entiers. Pourquoi l’enquête a-t-elle mis plus de dix ans ? « Il a fallu du temps pour revenir sur cette période de la dictature, d’autant que beaucoup de gens liés au régime de Pinochet sont toujours là », répond Marie-Laure Sara-de La Vaissière, qui rappelle que le jugement de Pinochet a mis des années et que le régime militaire avait pour habitude d’effacer toutes les preuves.
De même, pourquoi la femme de Pablo Neruda, Matilde Urrutia, morte en 1985, n’a-t-elle jamais rien dit et n’a jamais parlé de cette possibilité d’un empoisonnement ? « Mon hypothèse est qu’elle voulait absolument créer une fondation pour Pablo Neruda et soutenir les jeunes poètes et qu’elle a obtenu cette fondation au prix de devoir garder le silence. De plus, elle avait peur de voir ses biens confisqués par la dictature militaire », estime Marie-Laure Sara-de La Vaissière.
Une figure « de plus en plus contestée »
Dans tous les cas, ce rapport, qui devrait venir confirmer l’hypothèse de l’empoisonnement partagée par beaucoup de Chiliens et Chiliennes, intervient à un moment où l’aura de Pablo Neruda est beaucoup moins grande qu’auparavant. Si son œuvre reste un classique de la littérature chilienne et sud-américaine, « la figure de Neruda est de plus en plus contestée », rappelle en effet Rafael Pedemonte.
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« NERUDA, TAIS-TOI » 8M 2021 PHOTO MILA BELÉN |
« Et puis, on a tellement parlé de Pablo Neruda au Chili, que les gens ont aussi envie qu’on parle d’autres auteurs et autrices », ajoute Marie-Laure Sara-de La Vaissière. La figure de Neruda s’est donc un peu effritée au profit de l’autre grande figure de la littérature chilienne, Gabriela Mistral, première autrice latino-américaine à avoir eu un Nobel de littérature et ancienne enseignante.
« Dans ce contexte de revendication féministe très fort au Chili, l’image de Neruda est remise en question, alors que celle de Gabriela Mistral est beaucoup plus mise en avant », explique Rafael Pedemonte. Ce pour quoi ce mystère autour de la mort est donc vu avec une certaine distance par certains Chiliens et Chiliennes, qui regarderont de loin les résultats de l’enquête.
Chili, Prix Nobel, Faits divers
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PARIS, LE 21 OCTOBRE 1971. AMBASSADEUR DU CHILI EN FRANCE, L’ÉCRIVAIN PABLO NERUDA VIENT DE SE VOIR DÉCERNER LE PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE. PHOTO LAURENT REBOURS /AP/SIPA |
Derrière la mort de l’écrivain chilien en 1973, ses proches ont toujours vu la main de la dictature militaire. Menée par des scientifiques de l’université de Copenhague, une étude accréditerait la thèse d’un empoisonnement.
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LEEMAGE via AFP COLORISÉE ARAUCARIA |
La dictature de la junte militaire d’Augusto Pinochet, qui accéda au pouvoir au Chili le 11 septembre 1973, après un coup d’État qui renversa le gouvernement socialiste de Salvador Allende, ne tuait pas seulement en torturant à mort les opposants ou en les fusillant. Elle pouvait aussi les empoisonner. L’une des nombreuses victimes du régime, tuées ou disparues – on les estime aujourd’hui à trois ou quatre mille, auxquelles s’ajoutent plus de trente-huit mille hommes, femmes et enfants torturés – n’est autre que Pablo Neruda, né en 1904, poète, sénateur, ambassadeur du Chili à Paris et Prix Nobel de littérature en 1971. Lundi 13 février, sa famille a révélé quelques éléments d’une étude menée par des scientifiques canadiens de l’université McMaster et des chercheurs danois du département de médecine légale de l’université de Copenhague, dont les résultats doivent être rendus publics ce mercredi 15 février. Ils révéleraient la présence de traces de la bactérie Clostridium botulinum dans le squelette de Neruda.
Une enquête ouverte en 2011
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PABLO NERUDA À ISLA NEGRA, AU CHILI 1972 PHOTO BRIDGEMAN |
La thèse de l’empoisonnement du poète, soutenue par son épouse et son chauffeur et garde du corps, dès le moment de son décès le 23 septembre 1973, soit douze jours après le coup d’État, serait donc confirmée par cette étude, invalidant le certificat de décès officiel qui faisait état d’un cancer. Ouverte en 2011, la longue enquête sur les circonstances de la mort de Pablo Neruda, après de multiples péripéties judiciaires, a véritablement commencé en 2013 avec l’exhumation du corps de l’écrivain, puis prolongée l’année suivante par des analyses effectuées par des scientifiques espagnols, révélant la présence dans la dépouille de bactéries utilisées par la police politique de Pinochet pour tuer les opposants. Une nouvelle série d’analyses fut effectuée en 2017, excluant définitivement le cancer comme cause du décès.
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«NERUDA EST MORT EMPOISONNÉ» UNE DE «CLARÍN» 14 FÉVRIER DE 2023 |
Ce 15 février, un demi-siècle après sa mort, il ne fera donc probablement plus de doute que la dictature a assassiné le poète chilien, symbole politique et culturel qu’elle entendait éradiquer – comme elle fit aussi, notamment, en tranchant à la hache les doigts du chanteur et homme de théâtre Victor Jara, torturé et assassiné dans le stade de Santiago qui porte aujourd’hui son nom.
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